L'Hebdo #150: La résilience de l'économie américaine et les contours d'un possible nouvel impôt sur les holdings

📈 Les news qui ont fait bouger les marchés cette semaine

1. Wall Street en pleine ascension

 

La Bourse américaine reste la locomotive des marchés mondiaux. Le S&P 500 a signé un nouveau record à 6 664 points, porté par l’optimisme lié au retour des baisses de taux de la Réserve fédérale. Depuis le début de l’année, l’indice gagne 13,3 %, alors qu’il avait chuté de 12,6 % en avril au moment de l’annonce de droits de douane punitifs. En l’espace de quelques mois, Wall Street a effacé ses pertes et bondi de 26 %, confirmant sa suprématie face à l’Europe, où le Stoxx Europe 600 stagne depuis le printemps malgré une hausse annuelle de 9,2 %.
Les investisseurs américains privilégient désormais les segments oubliés du marché : petites et moyennes valeurs, foncières, biotechs ou encore titres dévalorisés. L’idée est claire : quand les grands indices sont déjà au plus haut, mieux vaut chercher de la performance dans les retardataires. En parallèle, l’or s’impose comme la star de 2025 avec plus de 40 % de progression depuis janvier, devançant largement le bitcoin (+20 %) et les actions traditionnelles.

 

2. Prudence sur le front obligataire et tensions politiques

 

Si les actions attirent massivement les capitaux, le marché obligataire envoie un signal plus mesuré. Les rendements des bons du Trésor américain à 10 ans ont légèrement remonté, malgré la baisse de taux de la Fed. Ce paradoxe traduit une inquiétude persistante sur l’inflation, nourrie par l’isolationnisme commercial de Washington et ses taxes douanières. Les investisseurs se souviennent qu’historiquement, le marché obligataire est rarement alarmiste… mais lorsqu’il l’est, ses avertissements précèdent souvent des corrections violentes.
À cela s’ajoutent des décisions politiques clivantes : Donald Trump a annoncé une taxe de 100 000 dollars par an pour les nouvelles demandes de visas H-1B, utilisés par les entreprises technologiques pour recruter des talents étrangers qualifiés. Même si les renouvellements et titulaires actuels ne sont pas concernés, cette mesure crée de l’incertitude pour les multinationales. Dans le même temps, la géopolitique reste agitée : reconnaissance de la Palestine par le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie ; cyberattaques perturbant le trafic aérien européen ; et abaissement de la note souveraine de la France par DBRS. Ces éléments alimentent un climat de prudence, malgré l’euphorie des marchés actions.

 

3. Matières premières et cryptomonnaies sous tension

 

Les matières premières connaissent une semaine animée. Le pétrole est reparti à la hausse, autour de 68,7 dollars le baril de Brent, stimulé par la baisse inattendue des stocks américains et les tensions liées à la guerre en Ukraine. Moscou a d’ailleurs annoncé des restrictions d’exportations de carburants, renforçant l’idée d’une offre contrainte. Dans le même temps, le cuivre a flambé au-dessus des 10 300 dollars la tonne après la mise à l’arrêt de la mine indonésienne de Grasberg, l’une des plus importantes au monde. Ce choc sur l’offre alimente les craintes de pénuries pour 2025-2026. L’or, de son côté, se maintient proche de ses plus hauts historiques, soutenu par la faiblesse du dollar et par les achats des banques centrales.
Sur le front des cryptomonnaies, la tendance est inverse : le bitcoin a reculé de 5,5 % et repasse sous les 110 000 dollars, pénalisé par 500 millions de dollars de sorties des ETF Bitcoin Spot et par des ventes massives sur les plateformes. L’ether chute de 11 % sous les 4 000 dollars, et Solana perd 4 %. La seule note positive du secteur vient de Tether, qui préparerait une levée de 15 à 20 milliards de dollars, valorisant l’entreprise autour de 500 milliards, au niveau de géants comme SpaceX ou OpenAI.

­

📰 Le dossier de la semaine : Économie américaine, une résilience qui surprend les marchés

L’économie américaine démontre depuis plusieurs mois une résistance remarquable face aux inquiétudes liées à l’inflation, aux tensions commerciales et aux incertitudes politiques. Les derniers chiffres de croissance, de consommation et d’emploi montrent que le pays avance mieux que prévu, soutenant la confiance des investisseurs. Mais derrière cette dynamique positive, plusieurs risques pourraient fragiliser cet équilibre, à commencer par la menace d’un shutdown gouvernemental.

 

Une croissance au-dessus des attentes

 

Au deuxième trimestre 2025, le PIB américain a progressé de 3,8 % en rythme annualisé, largement au-dessus des prévisions qui tablaient sur 3,3 %. Cette accélération est d’autant plus notable qu’elle dépasse largement le rythme moyen de croissance de long terme des États-Unis, estimé entre 1,5 % et 2 %.

Le moteur principal de cette performance reste la consommation des ménages, qui représente environ 70 % de l’économie américaine. Avec une hausse de 2,5 % contre 1,7 % attendu, les ménages ont continué à dépenser, preuve que leur pouvoir d’achat reste solide malgré un contexte inflationniste.

Les données du mois d’août confirment cette tendance : le revenu personnel a progressé de 0,4 %, au-dessus des attentes, tandis que la dépense réelle des ménages a également augmenté de 0,4 %, signalant une consommation dynamique. L’indice de surprise économique Bloomberg, qui mesure les écarts entre prévisions et résultats, reflète d’ailleurs cette succession de bonnes nouvelles.

 

Emploi et inflation : deux variables décisives

 

Pour juger de la durabilité de cette croissance, deux indicateurs restent essentiels : le marché du travail et l’inflation.

Côté emploi, malgré un ralentissement observé cet été, les dernières données semblent indiquer une stabilisation. Les demandes hebdomadaires d’allocations chômage ont reculé plus que prévu, laissant penser que la hausse observée début septembre était ponctuelle. Le rapport sur l’emploi non agricole du 3 octobre constituera un test important pour confirmer ou non ce retour à l’équilibre.

Concernant l’inflation, la mesure PCE – l’indicateur préféré de la Réserve fédérale – affiche 2,7 % en glissement annuel en août (2,9 % pour le cœur). Ces chiffres, conformes aux attentes, restent au-dessus de l’objectif de 2 % mais inférieurs aux estimations de la Fed (3 %). Si les hausses tarifaires liées aux guerres commerciales risquent encore d’alimenter l’inflation des biens, la modération progressive des prix des services pourrait compenser partiellement cette pression.

 

Les risques à court terme

 

Malgré cette dynamique encourageante, deux menaces principales pourraient perturber le scénario :

  • Un marché actions qui va trop vite, trop fort
    Depuis avril, le S&P 500 a bondi de plus de 30 % sans connaître de correction significative. Or, historiquement, les marchés connaissent 2 à 3 corrections de 5 à 10 % par an. Avec l’approche de la saison des résultats et la volatilité politique, un repli technique n’est pas à exclure.

  • La menace d’un shutdown fédéral
    Si le Congrès n’adopte pas les mesures budgétaires nécessaires avant le 1er octobre, une partie de l’administration américaine sera contrainte de fermer. Historiquement, ces fermetures n’ont qu’un effet économique temporaire, mais elles alimentent l’incertitude des marchés et peuvent perturber la confiance des ménages.

 

Comment positionner son portefeuille ?

 

Dans ce contexte, les investisseurs doivent rester vigilants tout en profitant des opportunités :

  • Maintenir une diversification solide : un équilibre entre actions américaines de grande et moyenne capitalisation (notamment dans les secteurs de la consommation, de la santé et de la finance) et obligations investment grade.

  • Rester investi sur la qualité : privilégier des entreprises robustes, capables de traverser une éventuelle volatilité de marché.

  • Réfléchir à l’usage des liquidités : pour ceux qui conservent une part importante en cash, il peut être judicieux de préparer une liste d’actifs à renforcer lors d’un repli du marché. Sur le long terme, les liquidités pures offrent rarement une performance supérieure à l’inflation.

 

 

La résilience de l’économie américaine continue de surprendre et constitue un soutien puissant pour les marchés financiers. Si des risques subsistent à court terme, les fondamentaux demeurent solides : consommation robuste, croissance au-dessus de la tendance, inflation maîtrisée et emploi globalement stable.

Pour les investisseurs, la clé reste la discipline : diversification, qualité et vision long terme. Les secousses éventuelles, qu’elles proviennent de la politique budgétaire ou d’une correction boursière, devraient être vues comme des opportunités d’ajuster et de renforcer ses positions dans un marché qui conserve de solides perspectives.

­

🏠 Fiscalité : 

Depuis plusieurs mois, le ministère des Comptes publics envisage de créer une nouvelle fiscalité visant les holdings, ces structures utilisées aussi bien comme outil de gestion patrimoniale que comme levier d’optimisation fiscale. L’objectif affiché : limiter ce que Bercy appelle la « sur-optimisation » liée aux sociétés mères, tout en préservant les actifs considérés comme productifs. Une réforme qui suscite déjà de vifs débats, tant les contours restent flous.

 

Pourquoi les holdings sont dans le viseur ?

 

Une holding est une société qui détient des participations dans une ou plusieurs entreprises. Elle permet souvent de regrouper l’actionnariat familial, de conserver le contrôle d’une société opérationnelle et d’organiser la stratégie de groupe. On parle alors de holding animatrice lorsqu’elle joue un rôle actif dans la direction de ses filiales.

Au-delà de cet aspect organisationnel, la holding bénéficie d’un cadre fiscal attractif. Le régime dit « mère-fille » exonère à 95 % les dividendes remontés par les filiales, ce qui limite considérablement l’impôt sur les sociétés. De plus, tant que les revenus restent logés dans la holding et ne sont pas distribués aux actionnaires, ceux-ci échappent à la flat tax de 30 %. Résultat : de nombreuses familles et entrepreneurs utilisent leur holding comme une “cash-box”, accumulant liquidités et plus-values pour reporter la taxation.

C’est précisément ce mécanisme que le gouvernement souhaite encadrer, au nom de « l’équité fiscale ».

 

Une taxation ciblée sur la trésorerie excédentaire

 

Selon les informations relayées par La Tribune, le projet en cours consisterait à instaurer une imposition spécifique sur la trésorerie excédentaire des holdings. L’idée serait de préserver les biens professionnels (actions de sociétés opérationnelles, actifs productifs, investissements dans l’économie réelle) mais de taxer l’accumulation de liquidités dormantes.

Problème : la notion de « trésorerie excédentaire » reste juridiquement floue. Faut-il considérer comme excédent ce qui dépasse le besoin en fonds de roulement ? Faut-il fixer un seuil proportionnel à l’actif global de la société ? Les fiscalistes rappellent que ce type de définition a déjà suscité des litiges du temps de l’ISF, où les liquidités détenues par les sociétés faisaient débat.

Un seuil trop strict pourrait par ailleurs pénaliser les entreprises prudentes, qui préfèrent conserver du cash en période d’incertitude économique, ou encore celles qui connaissent une forte saisonnalité de chiffre d’affaires. À l’inverse, un seuil trop élevé rendrait la mesure largement inefficace.

 

Comparaisons internationales : quelles inspirations possibles ?

 

D’autres pays ont déjà mis en place des mécanismes similaires.

  • États-Unis : certaines holdings familiales sont taxées sur leurs revenus financiers non distribués, à hauteur de 20 %, un dispositif plus dissuasif que réellement budgétaire.

  • Luxembourg : l’impôt sur la fortune des entreprises inclut la trésorerie et les instruments financiers dans l’assiette imposable, mais exclut les actions considérées comme productives. Cela incite les sociétés à investir plutôt que de laisser dormir leurs liquidités.

En France, toute mesure devra cependant respecter la directive européenne “mère-fille”, qui empêche de taxer une société sur les dividendes de ses filiales. Les juristes estiment néanmoins qu’une fiscalisation au niveau de l’impôt sur le revenu des actionnaires pourrait être envisagée.

 

Quelles conséquences pour les contribuables concernés ?

 

Si la réforme aboutit, elle pourrait bouleverser les stratégies patrimoniales des familles et dirigeants utilisant une holding comme outil de capitalisation. Plusieurs impacts sont envisageables :

  • incitation à réinvestir les liquidités dans des actifs exonérés plutôt que de les conserver en cash ;

  • complexification de la gestion, avec la nécessité de justifier que certaines liquidités sont bien liées à l’activité économique ;

  • risque de voir les contribuables fortunés déplacer leurs avoirs vers d’autres juridictions, si le dispositif est jugé trop contraignant.

Pour les investisseurs et entrepreneurs concernés, la question centrale sera de savoir si la réforme vise une véritable équité fiscale ou si elle constitue un nouvel alourdissement de la fiscalité patrimoniale française.

 

 

Le projet d’impôt sur les holdings illustre la volonté du gouvernement de trouver des recettes supplémentaires tout en affichant un discours d’équité. Mais en l’état, de nombreuses zones d’ombre demeurent : définition de la trésorerie excédentaire, niveau de taxation, articulation avec le droit européen.

Entre volonté politique et faisabilité juridique, la réforme s’annonce délicate. Les prochains mois seront décisifs pour savoir si cette mesure restera un projet théorique ou si elle viendra concrètement modifier l’équilibre fragile entre optimisation et pénalisation fiscale des patrimoines les plus importants.

­

💸 Les annonces d’entreprises à noter de la semaine :

  • Crédit Agricole aurait mandaté Deutsche Bank et Rothschild pour l'étude d'un éventuel rachat de Banco BPM, selon Bloomberg.

 

  • Apple met les bouchées doubles pour augmenter la production de l'iPhone 17 moins cher, très apprécié, selon The Information.

 

  • Pfizer se rapproche d'un rachat du fabricant de médicaments contre l'obésité Metsera pour 7,3 milliards de dollars, selon le FT.

 

  • Berkshire Hathaway monte à plus de 10% du capital de Mitsui & Co. Le groupe de Warren Buffett est en revanche sorti de BYD.

 

  • L'Oréal ne s'intéresserait qu'à l’activité beauté de Giorgio Armani dans le cadre d’une éventuelle prise de participation, tout en restant fidèle à sa stratégie centrée sur les cosmétiques, selon Bloomberg.

 

  • Stellantis met six usines européennes au chômage technique.

 

  • Heineken va racheter les activités de boissons et de vente au détail de Florida Ice and Farm Company pour 3,2 milliards de dollars, renforçant ainsi sa présence en Amérique centrale.

 

  • Nvidia prévoit d'investir jusqu'à 100 milliards de dollars dans OpenAI.

 

  • Meta présente Dating Assistant et Meet Cute, deux nouvelles fonctionnalités de rencontres sur Facebook.

 

  • Sanofi injecte 625 MUSD dans Sanofi Ventures pour accélérer l'investissement dans l'innovation.

 

  • LVMH va racheter les magazines Challenges et Science et Avenir.

 

  • Atos remporte un important contrat de cybersécurité auprès de la Commission européenne pour des services d'exploitation technique.

 

  • JD Sports Fashion publie un bénéfice et un chiffre d'affaires en hausse pour le premier semestre fiscal.

 

  • Meta lance la traduction en temps réel sur WhatsApp.

 

  • Boeing Defense, Space & Security s'associe à Palantir dans l'IA.

 

  • Alibaba poursuit son ascension à Hong Kong, après des annonces du CEO en faveur de l'investissement dans l'IA.

 

  • BNP Paribas renonce à son engagement de ne pas financer des "armes controversées".

 

  • Hennes & Mauritz dépasse les attentes de résultats au T1 fiscal.

 

  • BYD dépasse la part de marché de Tesla dans l'UE en août.

 

  • Trump signe un décret déclarant la vente de TikTok prête et l'évalue à 14 milliards de dollars. Oracle est au capital.

­

Source : Les Echos, Investir, Investing, ZoneBourse, Reuters, ABC Bourse

Suivant
Suivant

L'Hebdo #149 : Les questions que posent la baisse des taux de la FED et l’assurance-vie luxembourgeoise, une solution sur mesure