L'Hebdo #139 : cinq questions pour comprendre la stratégie de la Fed et vers un retour de la retraite par capitalisation en France ?
📈 Les news qui ont fait bouger les marchés cette semaine
1. L’attente américaine agite les marchés
La décision de Donald Trump de se donner deux semaines pour trancher sur une éventuelle intervention militaire contre l’Iran a changé la dynamique des marchés. Jusque-là ballottés par l’incertitude, les investisseurs disposent désormais d’un compte à rebours qui structure les anticipations. Ce délai a légèrement détendu les marchés, notamment les cours du pétrole, après plusieurs jours de tension. Pourtant, l’Europe boursière reste fébrile. L’indice Stoxx Europe 600, par exemple, a aligné huit baisses sur neuf séances. Le secteur du luxe est particulièrement touché, à la croisée de plusieurs vents contraires : ralentissement chinois, incertitudes géopolitiques et consommation touristique en berne. Ce contexte de flottement laisse les marchés dans l’expectative, suspendus aux prochaines annonces de Washington.
2. La Fed ne rassure pas vraiment
Sans surprise, la Réserve fédérale a maintenu ses taux inchangés. Mais c’est surtout la tonalité du discours de Jerome Powell qui a retenu l’attention. Jugée plus prudente que lors des réunions précédentes, cette posture a été interprétée par certains comme le signe que le scénario de deux baisses de taux d’ici décembre pourrait ne pas se concrétiser. En l’état, les marchés continuent de miser sur une première baisse en septembre, mais des voix discordantes émergent – notamment chez Bank of America et ING – qui évoquent un statu quo prolongé, voire un décalage vers décembre. Le Nasdaq, qui avait commencé la séance en hausse, a terminé à l’équilibre. Une preuve supplémentaire que la Fed, en ne s’engageant pas, alimente davantage l’incertitude que la confiance.
3. L’or recule malgré les tensions, le pétrole se stabilise
Contre toute attente, l’or a cédé du terrain cette semaine, plombé par la vigueur du dollar et les anticipations de taux toujours élevés aux États-Unis. Le métal précieux, pourtant traditionnellement recherché en période d’instabilité, s’est inscrit en baisse cinq jours d’affilée. Le pétrole, de son côté, s’est tendu en début de semaine à cause des affrontements entre Israël et l’Iran, mais les prix se sont ensuite stabilisés. Le Brent a atteint brièvement 79 dollars, avant de refluer. Les marchés considèrent pour l’instant que la circulation du pétrole n’est pas menacée, y compris via le détroit d’Ormuz. Dans l’ensemble, les investisseurs surveillent une possible désescalade, sans exclure un revirement rapide. Côté métaux industriels, le cuivre a reculé à Londres, pénalisé par les difficultés persistantes du marché immobilier chinois.
📰 Le dossier de la semaine : Taux inchangés, cinq questions pour comprendre la stratégie de la Fed
La Réserve fédérale américaine (Fed) vient de marquer une nouvelle pause. Pour la quatrième réunion consécutive, les taux sont restés inchangés, maintenus dans une fourchette de 4,25 % à 4,5 %. Ce choix reflète une posture d’attente prudente face à un environnement encore très incertain : tensions commerciales, risque géopolitique, évolutions du marché du travail… autant de paramètres que la banque centrale doit surveiller de près avant de trancher. Alors que l’été s’annonce calme sur le front monétaire, plusieurs questions clés pourraient définir le second semestre 2025.
Une économie américaine toujours robuste ?
Malgré les taux élevés, l’économie américaine continue de résister. Certes, le PIB a reculé de 0,2 % au premier trimestre, mais un net rebond est attendu au deuxième. La raison ? Un effet de correction après une forte hausse des importations liée à l’anticipation de nouveaux droits de douane. Ces importations, en hausse de plus de 50 %, ont pesé temporairement sur l’activité.
Les estimations de croissance en temps réel de la Fed d’Atlanta tablent sur un rebond autour de 3,4 % au T2. Sur l’ensemble du semestre, la croissance moyenne s’élèverait donc à environ 1,6 % — un rythme modéré mais honorable compte tenu du contexte.
Les consommateurs restent globalement actifs, même si les ventes au détail ont reculé de 0,9 % en mai. En réalité, ce chiffre cache des nuances : les dépenses hors automobile et carburant (les plus pertinentes pour le calcul du PIB) ont progressé de 0,4 % sur le mois, et de 5 % sur un an.
Du côté canadien, les tendances sont similaires : la consommation se maintient mais montre quelques signes de ralentissement. Les achats massifs de véhicules en avril, pour anticiper les hausses de prix, ont laissé place à un net repli en mai.
Tarifs douaniers : un retour de l’inflation à craindre ?
Jusqu’ici, les droits de douane n’ont pas provoqué de flambée des prix. En avril, l’inflation sous-jacente (hors énergie et alimentation), mesurée par l’indice PCE, a même atteint son plus bas niveau depuis quatre ans. Mais la situation pourrait évoluer rapidement.
À mesure que les stocks achetés avant les hausses tarifaires s’épuisent, les nouvelles marchandises — plus chères — vont arriver sur les étagères. Plusieurs grandes entreprises ont déjà prévu d’augmenter leurs prix dès juin. D’après la Fed, cela pourrait faire grimper l’inflation à 3,1 % d’ici fin 2025 (contre 2,8 % auparavant). Ce sursaut serait toutefois temporaire.
La hausse moyenne des droits de douane atteint désormais 15 %, un niveau inédit depuis les années 1930. Pourtant, comme la part des services dans l’économie reste prépondérante et que les salaires progressent lentement, l’impact global sur les prix devrait rester contenu.
La Fed va-t-elle reprendre les baisses de taux ?
En apparence, la Fed marque une pause. Mais en coulisses, l'idée d'une reprise des baisses de taux n’est pas écartée. Selon le fameux “dot plot”, l’outil de projection des gouverneurs de la Fed, deux baisses de taux sont encore prévues d’ici la fin de l’année.
Ce scénario reste crédible si l’inflation ne dérape pas et si le marché du travail commence à ralentir. Mais la trajectoire semble plus prudente que celle anticipée en mars. En 2026 et 2027, une seule baisse annuelle est désormais prévue, ce qui suggère une normalisation très progressive.
Ce schéma rappelle celui de 1995 : un cycle d’assouplissement lent, non motivé par une récession, mais par la volonté d’accompagner un atterrissage en douceur. Cela pourrait s’avérer plus favorable aux marchés que des baisses brutales comme en 2001, 2008 ou 2020.
Quel impact des tensions géopolitiques ?
L’aggravation du conflit entre Israël et l’Iran ravive les inquiétudes géopolitiques. Pour la Fed, le principal canal de transmission, c’est le pétrole. Une hausse durable des prix du brut pourrait relancer les anticipations d’inflation.
Pour l’instant, ces tensions n’ont pas eu d’effet majeur sur les marchés. L’expérience des 15 dernières années montre que les chocs géopolitiques provoquent rarement des hausses de prix prolongées. En outre, les États-Unis sont désormais exportateurs nets de pétrole, et la part de l’énergie dans le PIB a diminué grâce aux gains d’efficacité.
Comment positionner ses investissements pour l’été ?
Dans ce contexte incertain, la diversification reste le meilleur allié des investisseurs. Après une hausse rapide des marchés actions depuis avril (+20 %), une phase de consolidation n’est pas à exclure. Mais les portefeuilles bien équilibrés ont jusqu’à présent montré une bonne résistance.
Une accalmie sur les droits de douane ou une baisse du dollar américain pourraient profiter aux actions américaines. En parallèle, les marchés internationaux restent sous-pondérés dans beaucoup de portefeuilles, alors qu’ils recèlent des opportunités.
Les secteurs de la santé aux États-Unis et les banques nord-américaines semblent particulièrement bien positionnés. La clé : maintenir un équilibre entre valeurs de croissance et valeurs décotées (dites, "value"), et ne pas miser uniquement sur un scénario unique.
En conclusion, la Fed avance prudemment, naviguant entre résilience économique, tensions géopolitiques et incertitudes commerciales. Le scénario d’un cycle de baisse des taux doux et étalé semble se confirmer. Pour les investisseurs, cela signifie rester agile, diversifier, et garder le cap dans un environnement où chaque donnée compte. L’été sera calme sur le plan monétaire, mais pas sur celui de la stratégie.
🏦 Investissement : Retraite en France, vers un retour de la capitalisation ?
L’avenir du système de retraite continue de préoccuper les Français. Face aux perspectives de déficit chronique des régimes par répartition, un nombre croissant de citoyens se tournent vers l’idée d’une retraite complémentaire par capitalisation. Entre quête d’indépendance financière, défiance envers les solutions collectives et volonté de sécuriser leur avenir, les mentalités évoluent. Mais la capitalisation peut-elle vraiment devenir une alternative crédible en France ? .
Un modèle en crise et des Français inquiets
Le système de retraite français, fondé historiquement sur la solidarité intergénérationnelle, montre aujourd’hui ses limites. Le Conseil d’orientation des retraites (COR) prévoit un déséquilibre durable des caisses jusqu’en 2070. Dans ce contexte, le modèle de la capitalisation — où chacun épargne individuellement pour sa retraite — suscite un regain d’intérêt.
Selon le baromètre de l’Observatoire BPCE Assurances, 53 % des Français se disent favorables à une part de capitalisation pour compléter la retraite de base. En revanche, seuls 11 % souhaitent un système totalement par capitalisation. Ce soutien partiel montre que, malgré les doutes, l’idée d’un modèle mixte fait peu à peu son chemin dans l’opinion publique.
Cette évolution est en grande partie liée à l’angoisse : 78 % des personnes interrogées se déclarent préoccupées par leur avenir à la retraite, notamment les femmes, souvent pénalisées par des carrières interrompues ou à temps partiel.
Une épargne retraite déjà bien ancrée
Plus d’un Français sur deux affirme mettre de l’argent de côté pour préparer sa retraite. Parmi eux, 24 % le font régulièrement. Les raisons sont multiples : la volonté de maintenir un niveau de vie décent (40 %), rester autonome financièrement, ou encore faire face à une éventuelle perte d’autonomie.
Cependant, seuls 17 % des sondés mentionnent spécifiquement cette dépendance comme motif principal d’épargne. Ce chiffre interroge, alors que les risques liés à l’âge — santé mentale, capacité physique, perte d’autonomie — inquiètent une majorité des répondants.
Autre signe marquant : les solutions individuelles prennent le pas sur les mécanismes collectifs. Seuls 37 % des sondés disent privilégier les approches collectives pour se protéger face aux incertitudes économiques et sociales. Cela traduit un sentiment d’abandon croissant et un besoin de reprendre le contrôle à titre personnel.
L’épargne, oui… mais pas à n’importe quel prix
En matière de placement, la prudence domine largement. La sécurité du capital est désormais le critère numéro un pour 54 % des Français, en nette hausse par rapport à l’année précédente. La rentabilité passe au second plan (28 %), tandis que les considérations éthiques ne motivent que 6 % des épargnants.
Ce regain d’aversion au risque s’explique par le contexte : inflation, instabilité politique, accès aux soins, crise du logement… Autant d’éléments qui poussent les Français à privilégier la préservation de leur capital plutôt qu’une quête de rendement.
Résultat : même ceux qui prévoient d’épargner davantage dans les mois à venir n’associent pas automatiquement cette démarche à la retraite. Seuls 12 % le font en vue de leur cessation d’activité. La priorité reste les coups durs (39 %), devant les loisirs, les projets immobiliers ou l’aide aux enfants.
Une capitalisation qui soulève encore des questions
L’idée de renforcer la capitalisation pose nécessairement la question des supports d’investissement. La récente loi sur l’industrie verte impose désormais une part minimale d’actifs non cotés dans les plans d’épargne retraite gérés sous mandat. Ces supports, bien que porteurs de rendement, sont souvent peu liquides — un inconvénient majeur à l’approche de la retraite.
Une transition vers la capitalisation implique donc une réflexion sur la composition des portefeuilles, l’adaptation des supports dans le temps et l’éducation financière des épargnants. Le débat politique s’en empare d’ailleurs de plus en plus.
Edouard Philippe a rappelé que la capitalisation représente à peine 2 % du système en France, contre 15 % en Allemagne. Plusieurs responsables politiques, comme Gabriel Attal ou Bruno Retailleau, appellent à un changement de paradigme. Même certains cadres du Parti socialiste n’excluent plus que ce sujet devienne central lors des prochaines élections présidentielles.
Entre envie d’autonomie et prudence financière
La capitalisation séduit, mais sans faire l’unanimité. Ce qui ressort avant tout, c’est une méfiance croissante envers les mécanismes traditionnels et une volonté d’anticiper à titre individuel. Pour autant, les Français restent prudents : la sécurité prime sur la rentabilité, et la retraite n’est pas encore la priorité numéro un dans leurs projets d’épargne.
Face à cette évolution des mentalités, le débat sur l’avenir du système de retraite français ne fait que commencer. Il devra intégrer à la fois les enjeux de justice sociale, de soutenabilité financière… et la réalité d’un pays de plus en plus en quête de solutions personnalisées.
Article inspiré de celui des Echos du 19 juin 2025
💸 Les annonces d’entreprises à noter de la semaine :
Luca de Meo quitte Renault et le monde automobile, 5 ans après avoir pris les rênes, pour se rendre chez Kering.
Telefonica vend sa filiale équatorienne pour 330 millions d'euros.
Victoria's Secret subit une pression croissante de la part de l'investisseur activiste Barington Capital Group, selon le WSJ.
Le PDG de Nissan révèle que le Japonais va réduire ses parts dans Renault.
Carrefour envisage de céder ses activités italiennes, selon le Lebensmittel Zeitung, avec Lidl, Conad et Essenluga en prétendants
Safran et Trillium signent un partenariat pour élargir leur portefeuille de solutions électro-optiques.
Interparfums s'intéresserait à la division luxe de Coty, selon WWD.
Les dirigeants d'OpenAI envisagent de porter plainte contre Microsoft pour violation des lois antitrust, selon le WSJ.
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Meta lance des lunettes intelligentes avec Oakley et Prada, prolongeant ainsi le partenariat avec EssilorLuxottica, révèle CNBC.
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Source : Les Echos, Investir, Investing, ZoneBourse, Reuters, ABC Bourse