L'Hebdo #151 : Le shutdown américain ne perturbe pas l'économie américaine et les conséquences d'une hausse de la flat tax à 36%

📈 Les news qui ont fait bouger les marchés cette semaine

1. Marchés actions en hausse malgré le shutdown

 

Semaine globalement positive pour les actions, malgré l’entrée en vigueur du blocage budgétaire américain mercredi. Aux États-Unis, la dynamique IA et l’idée d’une baisse de taux de la Fed le 29 octobre ont suffi à entretenir l’appétit pour le risque : le S&P 500 gagne +1,09% sur la semaine et aligne de nouveaux records en séance, dans le sillage d’une trentaine de plus hauts annuels déjà comptabilisés. En Europe, le mouvement est même plus franc : le Stoxx Europe 600 progresse de +2,87% et plusieurs indices inscrivent de nouveaux sommets (AEX, EuroStoxx 50, FTSE 100, IBEX 35, PSI 20). À Paris, le CAC 40 avance de +2,68% pour clôturer à 8 081 points. Le shutdown n’a pas changé le scénario de fond : les marchés se sont habitués à ces épisodes, d’autant que les statistiques clés (emploi US) sont de toute façon retardées. Le message dominant reste celui d’une poursuite de cycle haussier alimenté par les big techs, mais désormais épaulé par d’autres compartiments.

 

2. Santé et cycliques mènent le rebond en Europe

 

Le véritable moteur de la semaine côté européen vient du secteur Santé. Un premier accord entre la Maison Blanche et Pfizer, jugé moins punitif que redouté (moindre pression sur les prix et les droits de douane), a déclenché une revalorisation rapide du compartiment : quand Roche et Sanofi bondissent, les indices riches en pharma (SMI suisse, Bel 20) surperforment et tirent tout le marché. La rotation ne s’est pas limitée à la Santé : elle a gagné des cycliques exposées au cycle mondial et au thème “capex IA” (semi-conducteurs, équipements, construction, acier, auto). Côté performances hebdo, les “tops” illustrent bien ce déplacement de la demande : UCB +27,98%, Salzgitter +27,48%, Fincantieri +22,51%, Western Digital +22,86%, Fair Isaac +21,85%. En France, Stellantis grimpe de +14,1% (parts de marché US en amélioration sur le T3, bonnes dynamiques chez Jeep/Dodge/Chrysler), Kering +8,31% et Sanofi +10,83%. À l’inverse, quelques “flops” rappellent que la sélectivité reste de mise : Tate & Lyle –18,82% (synergies encore absentes), Equasens –8,88%, Lufthansa –5,32% (conflit social). L’ensemble plaide pour un marché plus “large” : les records ne reposent plus uniquement sur les mégacaps technologiques.

 

3. Or record, pétrole en repli

 

Le besoin de couverture s’est exprimé sans ambages : l’or franchit de nouveaux sommets autour de 3 900 $/once (+3,11% sur la semaine, +47% depuis janvier). Le trio de facteurs reste inchangé : achats des banques centrales, flux vers les ETF et bruit géopolitique, auquel s’ajoutent des anticipations de baisse des taux qui comprimeraient les rendements réels. À l’opposé, l’énergie pèse : le Brent décembre retombe vers 64 $ (–6,18% sur la semaine) et le WTI vers 60,5 $, sur fond d’attentes d’une hausse de production de l’OPEP+ (discutée le 5 octobre) et d’un risque de surplus en 2026 selon les projections d’agences. Ce recul de l’or noir allège la facture énergétique pour les importateurs européens et soutient mécaniquement les marges des secteurs intensifs en énergie. Enfin, le cuivre poursuit sa remontée vers 10 490 $/t, porté par des interruptions d’offre (Indonésie, Chili) et par le thème structurel des investissements liés à l’IA et à l’électrification.
En résumé : actions en hausse et plus “larges”, Santé en chef de file, or au zénith et pétrole sous pression : un mix qui reste favorable aux actifs risqués tant que la Fed entretient l’idée d’un assouplissement et que le shutdown ne s’éternise pas.

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📰 Le dossier de la semaine : États-Unis, le gouvernement à l’arrêt, mais l’économie résiste

La paralysie budgétaire est de retour à Washington. Faute d’accord entre républicains et démocrates sur le financement fédéral, l’administration américaine a suspendu ses activités non essentielles dans la nuit du 30 septembre. Si cet épisode provoque un certain flou économique à court terme, les signaux venus du terrain restent globalement positifs : la croissance tient, la consommation reste solide et les marchés financiers continuent de progresser.

 

Une économie toujours en mouvement malgré le blocage

 

Avant la fermeture, les indicateurs américains pointaient vers une activité plus vigoureuse que prévu. D’après la Réserve fédérale d’Atlanta, la croissance du PIB au troisième trimestre atteindrait environ 3,8 % en rythme annualisé, un niveau bien supérieur à la moyenne de long terme. Cette performance repose sur deux moteurs :

  • une consommation des ménages dynamique, alimentée par un marché de l’emploi encore solide ;

  • et des investissements massifs dans l’intelligence artificielle (IA), qui dopent la productivité et les dépenses des grands groupes technologiques.

 

Amazon, Google, Meta et Microsoft prévoient à eux seuls près de 400 milliards de dollars d’investissements l’an prochain, soit près d’un tiers de l’ensemble des dépenses d’investissement du S&P 500.

 

Même si les statistiques officielles sont temporairement suspendues, les indicateurs privés confirment cette tendance. Les ventes au détail progressent à leur rythme le plus soutenu depuis 2023, et les indicateurs de consommation (comme l’indice Redbook) témoignent d’une demande encore robuste.

 

Historiquement, chaque semaine de shutdown coûte environ 0,1 à 0,2 point de croissance trimestrielle, mais ces pertes sont souvent compensées au trimestre suivant. Autrement dit, l’effet économique est retardé, plus que détruit. Le principal risque serait une paralysie prolongée, qui pèserait sur la confiance des entreprises et des ménages.

 

Un marché du travail qui se stabilise, mais reste sous surveillance

 

Le marché de l’emploi montre des signes de ralentissement sans véritable rupture. L’enquête ADP, l’un des rares indicateurs encore publiés pendant la fermeture, a recensé une baisse de 32 000 emplois privés en septembre, soit la troisième contraction en quatre mois.

 

Le taux de chômage, autour de 4,3 %, reste bas, mais le rapport entre postes vacants et demandeurs d’emploi s’est inversé pour la première fois depuis 2021. Les entreprises recrutent moins, sans pour autant licencier massivement. La prudence domine : elles attendent davantage de visibilité sur la politique monétaire et sur l’impact économique des tensions commerciales.

 

Le shutdown ajoute une couche d’incertitude. Environ 750 000 fonctionnaires fédéraux sont en congé forcé, et le gouvernement a laissé planer la menace de suppressions de postes permanentes si le blocage s’éternise. Ce scénario, encore hypothétique, pourrait toutefois accentuer le ralentissement du marché du travail et renforcer la pression sur la Fed pour soutenir l’activité.

 

La Fed avance à tâtons mais garde le cap de la détente

 

Privée de ses indicateurs habituels, la Réserve fédérale navigue à vue. Elle a repris en septembre son cycle de baisse des taux, amorçant un assouplissement monétaire prudent après plusieurs mois de pause.
 

Les responsables estiment désormais que la politique monétaire reste « restrictive » et qu’un retour progressif vers un niveau plus neutre, autour de 3 % à 3,5 %, serait justifié si la tendance du marché du travail se confirme.

 

Dans ce contexte, la Fed devrait poursuivre ses baisses de taux lors de sa réunion du 29 octobre, sauf surprise sur l’inflation ou sur la reprise des indicateurs économiques. Si les statistiques officielles restent indisponibles d’ici là, la banque centrale devra s’appuyer sur des données privées, moins fiables mais suffisantes pour maintenir un biais accommodant.

 

Des marchés boursiers étonnamment solides

 

Malgré le blocage à Washington, les marchés financiers affichent une remarquable résistance. Le S&P 500 a gagné près de 8 % au troisième trimestre, tandis que le Nasdaq, porté par les valeurs technologiques, a progressé de 11 %. Les petites et moyennes capitalisations (indice Russell 2000) ont même bondi de 12 %. Deux dynamiques expliquent cette résilience :

  • d’une part, l’enthousiasme autour de l’IA, qui continue de porter les valeurs technologiques et les semi-conducteurs ;

  • d’autre part, la détente monétaire qui soutient les secteurs cycliques et sensibles aux taux (consommation, finance, santé).

 

Historiquement, les shutdowns américains n’ont jamais durablement pesé sur les marchés : sur les vingt épisodes recensés depuis 1976, les indices ont souvent regagné le terrain perdu dans les mois suivants.

 

Néanmoins, après une hausse de 35 % depuis avril, une phase de consolidation ou de prise de bénéfices ne serait pas surprenante. Les investisseurs pourraient en profiter pour rééquilibrer leurs portefeuilles vers des segments moins représentés (valeurs moyennes, secteurs cycliques) tout en conservant une exposition au thème porteur de l’IA.

 

Garder le cap malgré le bruit politique

 

Un shutdown, aussi spectaculaire soit-il, ne remet pas en cause les fondamentaux de l’économie américaine. La consommation reste dynamique, les entreprises continuent d’investir, et la détente des taux d’intérêt crée un environnement favorable aux marchés financiers.

 

Pour les investisseurs, la prudence consiste moins à fuir le marché qu’à préparer ses positions : renforcer la diversification, saisir les opportunités en cas de repli et rester fidèle à une stratégie alignée sur ses objectifs à long terme.

Les périodes d’incertitude, comme celle que traverse actuellement Washington, rappellent que les décisions politiques provoquent des secousses passagères, rarement structurelles. En somme, mieux vaut suivre la devise des marchés américains : keep calm and carry on.

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🏠 Immobilier : Vers une flat tax à 36%? Quelles conséquences?

Alors que le gouvernement cherche des marges de manœuvre budgétaires pour 2026, l’idée d’une hausse de la flat tax refait surface. Ce prélèvement forfaitaire unique (PFU), actuellement fixé à 30 %, s’applique aux revenus du capital : dividendes, intérêts ou plus-values mobilières. En apparence simple à relever, une telle mesure pourrait pourtant avoir de lourdes conséquences sur les arbitrages des épargnants et des investisseurs, notamment les plus fortunés.

 

Vers une hausse du prélèvement forfaitaire unique ?

 

Depuis plusieurs semaines, Matignon et Bercy réfléchissent à un relèvement du PFU de 3 à 6 points, ce qui porterait la taxation globale entre 33 % et 36 %.
Ce taux englobe aujourd’hui 12,8 % d’impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux. Une hausse viserait donc principalement la part fiscale, l’augmentation des prélèvements sociaux risquant d’impacter d’autres revenus (immobiliers, fonciers, etc.), ce que le gouvernement souhaite éviter.

Politiquement, le sujet est sensible : Emmanuel Macron avait fait de la flat tax à 30 % un symbole de stabilité et de lisibilité fiscale pour attirer les capitaux et encourager l’investissement. Modifier ce taux reviendrait à entamer un pilier de sa politique économique.

 

Un mécanisme simple… qui pourrait redevenir complexe

 

Lors de sa création en 2018, la flat tax avait eu le mérite de simplifier la fiscalité du capital :

  • un taux unique pour tous les revenus mobiliers ;

  • la possibilité de choisir, au besoin, une imposition au barème progressif si cela s’avérait plus avantageux.

Avant cela, les contribuables étaient soumis à un véritable millefeuille fiscal, avec des abattements variables selon la durée de détention et la nature des revenus. Mais si le taux de 30 % devait grimper, de nombreux foyers seraient à nouveau tentés de comparer les deux régimes.

 

Faut-il encore choisir la flat tax ?

 

Actuellement, la flat tax reste plus avantageuse pour la majorité des investisseurs, sauf pour les contribuables faiblement imposés (dans les tranches à 0 % ou 11 %). Mais une hausse changerait la donne :

  • Pour les plus-values réalisées sur des titres acquis avant 2018, l’imposition au barème permet de bénéficier d’un abattement pour durée de détention pouvant aller jusqu’à 85 %.

  • Dans ce cas, un investisseur imposé à 45 % d’un TMI ne paierait qu’environ 6,7 % d’impôt effectif, contre 12,8 % avec la flat tax.

Si le PFU passait à 35 %, les détenteurs de titres anciens ou les contribuables bénéficiant d’un abattement de 65 % pourraient eux aussi y trouver un intérêt/ Exemple : pour une plus-value de 100.000 €, un actionnaire pourrait économiser plusieurs milliers d’euros en optant pour le barème plutôt que la flat tax.

 

Pour les revenus de dividendes, l’arbitrage serait plus nuancé. Avec un TMI de 30 %, un contribuable paierait 3.600 € sur 10.000 € de dividendes si la flat tax passait à 36 %, contre environ 3.520 € avec le barème (grâce à l’abattement de 40 % sur les dividendes).

 

Des disparités entre résidents et non-résidents

 

Une hausse du PFU aurait aussi des effets inéquitables entre contribuables français et étrangers. Les non-résidents sont imposés selon les conventions fiscales internationales, qui plafonnent souvent le taux à 15 %. Si la part fiscale du PFU dépassait ce seuil, ils seraient donc partiellement épargnés par la hausse. En revanche, les résidents français supporteraient pleinement la majoration, accentuant une forme de “discrimination inversée”.

 

Les dirigeants mieux armés que les épargnants

 

Autre effet pervers : la hausse toucherait davantage les petits actionnaires et les épargnants passifs que les dirigeants d’entreprise. Les premiers subissent les politiques de distribution des sociétés cotées et ne maîtrisent pas le calendrier des dividendes. Les seconds, au contraire, peuvent adapter leurs stratégies : se rémunérer différemment, anticiper un versement avant la réforme ou retarder une cession.

Les investisseurs particuliers disposent toutefois d’un levier : le PEA (Plan d’épargne en actions). Les gains y sont exonérés d’impôt (hors prélèvements sociaux) après cinq ans, ce qui permet d’échapper à toute hausse du PFU.

 

Des arbitrages fiscaux à réaliser avant la fin de l’année

 

Si la hausse de la flat tax devait être votée dans la prochaine loi de finances, elle s’appliquerait rétroactivement aux revenus 2025, conformément à la règle dite de la petite rétroactivité.

Cela pourrait inciter certains dirigeants ou investisseurs à anticiper le versement de dividendes ou à réaliser leurs plus-values avant le 31 décembre.
Mais cette stratégie n’est pas sans risque : elle pourrait déclencher une CDHR (contribution différentielle sur les hauts revenus), due dès 250.000 € de revenu fiscal de référence pour une personne seule.

De plus, un versement massif de dividendes fin décembre pourrait fausser le calcul de l’acompte de la CDHR, exigible entre le 1er et le 15 décembre. En cas de sous-déclaration, une majoration de 20 % est prévue. En clair, pour les foyers aisés, la fin d’année 2025 pourrait être un véritable casse-tête fiscal, entre arbitrages, projections et incertitudes sur la réforme à venir.

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💸 Les annonces d’entreprises à noter de la semaine :

  • Seize ans après le crash du vol AF447 Rio-Paris, Air France et Airbus, initialement relaxés, sont rejugés en appel à Paris pour homicides involontaires.

 

  • La filiale japonaise de GL Events dans la tourmente à cause de l'exposition universelle d'Osaka, selon Libération.

 

  • Bonduelle réduit ses pertes annuelles et confirme viser une amélioration de sa rentabilité sur le nouvel exercice 2025/2026.

 

  • AstraZeneca s'introduit à la Bourse de New York tout en maintenant sa cotation au Royaume-Uni.

 

  • Givaudan investit 40 millions de francs dans une nouvelle usine de parfums en Chine.

 

  • Electronic Arts est racheté pour 55 milliards de dollars, soit 210 USD par action, par un consortium Silver Lake, Affinity Partners et PIF.

 

  • TotalEnergies va augmenter sa production et réduire ses investissements.

 

  • Eiffage remporte un gros contrat de plus de 1,5 milliard d'euros pour des parcs éoliens en France.

 

  • OpenAI introduit le paiement instantané dans ChatGPT avec Etsy et Shopify.

 

  • Le Pentagone attribue à RTX Corp un contrat de 5 milliards de dollars pour le système de missiles Coyote.

 

  • Thales versera un acompte sur dividende de 0,95 EUR au titre de l'exercice 2025.

 

  • NRJ Group finalise la cession de Chérie 25 à RMC-BFM.

 

  • Stellantis enregistre une croissance de 6% de ses ventes aux Etats-Unis au T3.

 

  • Renault envisagerait de fabriquer des voitures avec le chinois Chery en Amérique du Sud, selon Bloomberg

 

  • Apple renonce à la refonte de son casque Vision pour donner la priorité aux lunettes d'intelligence artificielle de type Meta, a appris Bloomberg.

 

  • Immobilière Dassault boucle son augmentation de capital de 25 MEUR.

 

  • Les fonds UBS sont exposés à hauteur d'un demi-milliard de dollars à la faillite de l'équipementier américain First Brands, selon Bloomberg.

 

  • Le Boeing B777X prend du retard et ne sortira qu'en 2027, entraînant des milliards de dollars de charges, selon Bloomberg.

 

  • Amazon va relancer son service de livraison par drone en Arizona selon TechCrunch.

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Source : Les Echos, Investir, Investing, ZoneBourse, Reuters, ABC Bourse

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L'Hebdo #150: La résilience de l'économie américaine et les contours d'un possible nouvel impôt sur les holdings